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CÔTÉ COUR

Clause de non-concurrence en matière commerciale – Injonction interlocutoire – Limites territoriales imprécises

Garage Pierre Lessard inc. c. Moto Centre St-Hyacinthe inc., [2016] QCCS 6653

Garage Pierre Lessard inc. (« Lessard ») demande une injonction interlocutoire ordonnant à Moto Centre St-Hyacinthe inc. (« Moto Centre ») de cesser ses activités de remorquage de véhicules lourds. Cette demande découle d’une clause de non-concurrence incluse dans un contrat de vente d’actifs.

Faits pertinents

Lessard exerçait principalement ses activités dans les domaines de l’exploitation de garages et du remorquage. Pour sa part, Moto Centre exploitait un commerce de vente et de remorquage de motos et de véhicules récréatifs.

Lessard et Moto Centre concluent un acte de vente d’actifs par lequel Lessard cède son achalandage et son équipement pour le remorquage automobile moyennant la somme de 400 000 $. Or, le contrat prévoit que Moto Centre ne pourra pas « faire de remorquage de poids lourds pour une durée de cinq (5) ans ».

Peu de temps après la vente, Moto Centre fait l’acquisition d’une dépanneuse servant au remorquage de véhicules lourds et débute ses opérations dans le secteur.

Analyse et décision de la Cour

La clause pertinente du contrat se lit comme suit :

« 8.            NON-SOLLICITATION

8.1         Le VENDEUR s’engage et s’oblige, pour une période de cinq ans (5) à compter des présentes, dans le territoire de la région de St-Hyacinthe, à ne pas solliciter les clients de l’Entreprise ni aucune sollicitation pour du remorquage automobile ou inciter les clients de l’Entreprise ou toutes autres personnes à mettre fin à ses relations d’affaires avec l’ACQUÉREUR et pourra continuer ses opérations courantes de remorquage telles quelles (sic) étaient avant l’acquisition de l’Entreprise; L’ACQUÉREUR s’engage à ne pas faire de remorquage de poids lourd pour une durée de cinq (5) ans de la Date de clôture et à ne pas embaucher Ronald Vaillancourt comme remorqueur pour la même période; » (nos soulignements)

En défense, Moto Centre invoque notamment que la clause de non-concurrence est invalide puisqu’elle ne contient aucune limite territoriale. Étant invalide, une injonction ne pourrait pas être accordée sur une telle base.

La Cour se penche d’abord sur ce critère de l’apparence de droit. Elle rappelle qu’un droit inexistant entraînera obligatoirement le rejet de la demande. Il est donc nécessaire d’analyser la validité de la clause de non-concurrence.

La Cour explique qu’une telle clause doit être interprétée de manière généreuse en matière commerciale. Il ne s’agit pas d’un contrat de travail dans lequel il existe un déséquilibre dans les rapports entre les parties.

Malgré cette souplesse, la clause ne sera pas légale si elle est déraisonnable quant à sa portée. Trois facteurs sont considérés à cet effet : la durée, le territoire et les activités visées. La clause devra se limiter au nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de la partie qui en bénéficie.

La Cour constate que la clause de non-concurrence elle-même ne prévoit pas de territoire dans lequel Moto Centre ne peut effectuer de remorquages de poids lourds. Lessard, se basant sur l’application de règles d’interprétation plus souples, invite la Cour à se référer à la clause de non-sollicitation au début du paragraphe 8.1 pour conclure que le territoire visé est « la région de St-Hyacinthe ».

La Cour reconnait qu’en présence d’une ambiguïté dans une clause restrictive, il faut rechercher l’intention commune des parties au moment de la conclusion du contrat.

Il ressort de la preuve que l’entente a été conclue rapidement, que la clause de non-concurrence a fait l’objet de peu de discussions, qu’elle a été ajoutée à la dernière minute et que le territoire visé n’a jamais été évoqué.

La Cour admet que l’intention était vraisemblablement que le territoire visé soit la « région de Saint-Hyacinthe ». Par contre, la notion de « région de Saint-Hyacinthe » n’est pas suffisamment précise. Il existe de nombreuses interprétations qui seraient toutes objectivement valides. Face à ce problème, la Cour conclut que l’expression est trop floue et imprécise. Le territoire visé par la clause de non-concurrence n’est donc pas limité adéquatement. La demande est rejetée puisque Lessard n’a pas l’apparence de droit requise.

21 Mar, 17

 

 

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