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CÔTÉ COUR

Clauses de non-concurrence et de non-sollicitation – foresterie – injonction – qu’en est-il des clauses contractuelles établissant de facto le caractère sérieux et irréparable du préjudice subi par l’une des parties suite à un manquement contractuel?

9274-2071 Québec inc. c. 9280-6182 Québec inc., [2016] QCCS 4199

La Cour supérieure du Québec se prononce sur les critères d’application de l’injonction interlocutoire et plus particulièrement, quant à la notion de préjudice sérieux et irréparable subi par les parties. Pour ce faire, elle analyse la validité des clauses contractuelles négociées entre les parties et prévoyant de facto le caractère sérieux et irréparable du préjudice subi par l’une des parties suite à un manquement contractuel.

Aux termes d’une convention d’exclusivité et d’une convention entre actionnaires, les demanderesses 9274-2071 Québec Inc. (« Transfor ») et Coopérative forestière de Girardville (« Coop ») ont intenté une Demande introductive d’instance en injonction interlocutoire et permanente afin d’ordonner aux défendeurs 9180-6182 Québec Inc. (« 9180 ») et M. Rémi Paquet (« M. Paquet ») de ne pas louer à d’autres de la machinerie servant à la récolte forestière, de ne pas solliciter les clients, les fournisseurs ainsi que les employés de Transfor, de mettre fin au contrat de location intervenu entre 9180 et Produits Forestiers Résolu (« Résolu ») et de céder les actions détenues par 9180 dans le capital-actions de Transfor.

Transfor est une société de location de machinerie forestière faisant affaire avec Coop et qui a été créée par cette dernière, 9180-6182 Québec et d’autres sociétés actionnaires.

En 2014, les actionnaires de Transfor dont fait partie 9180-6182 Québec ont conclu une convention d’exclusivité avec Transfor prévoyant la location exclusive de leur machinerie forestière à cette dernière. De façon concomitante, ils ont aussi convenu d’une convention entre actionnaires aux termes de laquelle ceux-ci ont souscrit à des obligations de non-concurrence et de non-sollicitation sous réserve de pénalités. La convention entre actionnaires prévoyait également ce qui suit :

10.4 Chaque Actionnaire et Propriétaire reconnaît que la contravention à l’un ou l’autre des engagements mentionnés au présent article 10 causerait à la Société et/ou aux Actionnaires des dommages sérieux et irréparables et qu’il est impossible d’évaluer les dommages que peut subir la Société et/ou les Actionnaires en raison de son défaut.

Début mai 2015, les demanderesses ont appris que 9180 louait sa machinerie à Résolu, l’une de leurs clientes, et ce, en contravention de ses obligations d’exclusivité et de non-concurrence. Ainsi, le 13 octobre 2015, elles ont intenté une Demande en injonction permanente jointe à une action en dommages au montant de 1 117 050$ à l’encontre de 9180 et de M. Paquet. Le 1er mars 2016, elles ont amendé leur demande afin de retirer leur réclamation en dommages et finalement, le 14 juin 2016, elles ont une nouvelle fois amendé leur demande pour y ajouter la Demande en injonction interlocutoire faisant l’objet du présent jugement.

Dans son jugement, la Cour réfère aux critères justifiant l’octroi d’une injonction interlocutoire soit : l’apparence de droit, le préjudice sérieux et irréparable et la balance des inconvénients. C’est toutefois quant à la notion de préjudice sérieux et irréparable qu’elle propose des enseignements pouvant s’avérer pertinents dans le cadre de la négociation contractuelle.

Au niveau de la notion de préjudice sérieux et irréparable, les demanderesses ont, entre autres, argumenté que la clause 10.4 ci-haut est une reconnaissance préalable et présumée du caractère sérieux et irréparable des dommages. De leur côté, les défendeurs ont fait valoir la nullité des engagements de non-concurrence et de non-sollicitation ainsi que l’absence totale de préjudice sérieux et irréparable. La Cour a finalement confirmé que la clause 10.4 est contraire à l’ordre public en ce qu’elle porte atteinte à la discrétion de la Cour et permet aux parties de contractuellement prévoir l’octroi quasi-automatique d’une injonction interlocutoire. Le pouvoir d’émettre une telle mesure est discrétionnaire et il n’est pas automatique qu’une telle demande soit accordée malgré le respect de l’ensemble des conditions applicables.

De plus, considérant que les demanderesses réclamaient au départ des dommages de 1 117 050$, la Cour est d’avis que ces dommages ne sont pas irréparables et difficilement évaluables mais plutôt facilement calculables.

Finalement, la Cour rappelle le principe à l’effet que les tribunaux sont enclins à rejeter une demande d’injonction interlocutoire lorsqu’il s’est écoulé trop de temps entre la violation soulevée et le dépôt de cette même demande. En l’espèce, il s’est écoulé plus de 12 mois entre la prise de connaissance de la violation et le dépôt de la demande en injonction interlocutoire, ce qui est un délai déraisonnable.

17 Jan, 17

 

 

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