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CÔTÉ COUR

L’Autorité des marchés financiers forcée à divulguer la preuve

Autorité des marchés financiers c. Minkoff, Tribunal administratif des marchés financiers, décision no. 2016-017-001, 27 septembre 2017

L’Autorité des marchés financiers (l’« AMF ») a déposé au Tribunal administratif des marchés financiers une Demande de pénalités administratives et diverses ordonnances à l’encontre des intimés, Christopher Minkoff (« Minkoff »), 6337741 Canada Inc. et Groupe Financier Fort Inc. (« Fort »), alléguant que ceux-ci ont effectué plusieurs manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

Les faits

Le litige se situe dans le cadre d’une police d’assurance collective émise en faveur d’un créancier offrant du crédit à des acheteurs ou locataires à long terme d’automobiles. Les garanties offertes sont le décès, la mutilation, la perte de vision, l’invalidité totale et la perte ou cessation d’emploi involontaire. Quoiqu’il s’agisse de distribution d’assurance sans représentant, l’AMF prétend que l’intimé Minkoff aurait dû détenir un certificat comme représentant en assurance de personnes en sus du certificat en assurance de dommages qu’il détenait déjà. L’AMF prétend également que les autres intimés, les cabinets d’assurance, ont fait défaut de le superviser.

Très tôt dans le litige, Fort a demandé à l’AMF de respecter son obligation de divulgation de la preuve, ce à quoi elle a acquiescé. Parmi les documents se trouve une lettre de l’AMF adressée à l’assureur qui lui avait demandé de confirmer la légalité d’une police innommée mais qui, selon les termes de la lettre, semble en tous points similaire à celle ici en cause. L’AMF a confirmé la légalité de cette police en précisant : « peu importe que l’assurance soit faite sur une base individuelle ou collective ». Pour Fort, il s’agit d’un aveu important à sa défense.

En conférence préparatoire, l’AMF a accepté de confirmer que la police à laquelle réfère cette lettre est bien la même que la police ici en cause. L’AMF a d’abord répondu qu’il ne s’agissait pas de la même police et, pressée de communiquer la police spécifique à laquelle la lettre réfère, elle a successivement invoqué ne pas l’avoir, puis qu’elle n’en avait que des extraits, puis qu’elle n’avait aucune obligation, au sens du droit, à le faire. Fort s’est donc adressée au Tribunal pour qu’il soit ordonné à l’AMF de transmettre copie de la police d’assurance qui a donné lieu à la position exprimée dans la lettre.

La décision

Le tribunal se déclare en désaccord avec la position de l’AMF. La lettre s’est retrouvée en possession des intimés dans le cadre de la divulgation de la preuve et c’est elle-même qui l’a transmise. L’obligation de divulgation de la preuve est plus grande maintenant que l’enquête est terminée et il est légitime pour Fort de vouloir avoir copie de la police d’assurance à laquelle réfère la lettre pour les fins de sa défense. Rappelant l’arrêt Chaplin de la Cour Suprême du Canada ([1995] 1 RCS 27) qui établit que la pertinence est déterminée en fonction de l’usage que la défense compte faire des renseignements, le tribunal détermine que l’AMF peut difficilement se retrancher sur la non-pertinence d’un document qu’elle a elle-même transmis pour refuser ensuite de transmettre copie de l’extrait nécessaire à la compréhension et à l’intelligibilité de celui-ci. Tenant compte notamment que la communication de la preuve puisse parfois s’étendre à des éléments débordant le fond du litige et que Fort considère cette pièce comme essentielle à une défense pleine et entière, le tribunal constate que l’AMF n’a pas démontré que l’information n’est pas pertinente à la présente affaire et lui ordonne donc de communiquer les extraits en sa possession de la police à laquelle la lettre réfère.

22 Nov, 17

 

 

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