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CÔTÉ COUR

Obligation de défendre et d’indemniser de l’assureur-habitation pour un investissement immobilier des assurés – poursuite de l’APCHQ

Delev c. Sécurité nationale, compagnie d’assurances, [2016] QCCQ 8868

Aux termes de deux recours distincts intentés devant la Cour du Québec, Division des petites créances, M. Gligor Delev (« Delev ») et Mme Bertha Carrillo (« Carrillo ») réclament chacun 15 000$ à leur assureur-habitation, Sécurité Nationale, compagnie d’assurances (« Sécurité Assurance ») pour leurs frais de défense et pour les sommes versées en vertu d’un règlement intervenu avec l’Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec inc. (« APCHQ ») qui les avait personnellement poursuivis comme cautions d’un projet immobilier qui avait mal tourné, résultant en l’obligation de celle-ci de payer des sommes importantes.

 

Delev et Carrillo sont coassurés en vertu d’une police d’assurance-habitation offerte par Sécurité Assurance. Dans les faits, ayant été informé d’un projet immobilier visant la transformation d’un immeuble en plusieurs condominiums (le « Projet »), Delev décide d’y investir son argent et ce, via l’acquisition d’actions d’une société constituée spécifiquement à cet effet (la « Société ») dont il devient le troisième et dernier actionnaire. À ce titre, il n’est pas impliqué dans la construction ni dans l’administration du Projet.

En juillet 2011 et en juin 2012, l’APCHQ intente des procédures légales à l’encontre de la Société et, entre autres, de Delev et de Carrillo afin d’être indemnisée pour les frais d’arbitrage, d’expertises et de travaux correctifs qu’elle a dû encourir en lien avec le Projet, lesquels totalisaient 171 804,96$. Selon l’APCHQ, la responsabilité de Delev et de Carrillo est engagée compte tenu de la signature d’un contrat de cautionnement relatif aux obligations de la Société. Finalement, le 3 février 2014, l’APCHQ convient d’un règlement avec, entre autres, la Société, Delev et Carrillo, mettant fin au dossier.

En l’espèce, la police d’assurance comprend l’obligation de Sécurité Assurance d’indemniser les coassurés mais aussi de les défendre. Sous le volet Assurance de responsabilité, la police couvre « […] les conséquences pécuniaires de la Responsabilité civile pouvant [leur] incomber en raison de dommages corporels ou dommages matériels […] involontairement causés à des tiers, du fait […] de toute activité de votre vie privée […] ». Selon la Cour, l’expression « toute activité de la vie privée » milite pour une application élargie de la garantie. Cependant, la police prévoit aussi que ne sont pas couvertes « […] les conséquences de la vente d’un bâtiment commercial ou industriel ni d’un bâtiment d’habitation de plus de six logements ».

Dans le cas de Delev, la Cour est d’avis que la police ne trouve pas application en ce que la vente de l’immeuble dans le cadre du Projet est la source même du recours de l’APCHQ contre celui-ci. Ainsi, Sécurité Assurance n’a pas l’obligation de défendre ni d’indemniser Delev. Dans cette optique, la Cour prend toutefois soin de mentionner que les assureurs responsabilité offrent des assurances spécifiques au cadre commercial.

Dans le cas de Carrillo, la Cour rappelle qu’elle n’a aucun lien avec la Société ni avec la vente de l’immeuble prévue dans le cadre du Projet et, donc, qu’elle ne doit pas se faire appliquer les même limites que Delev. Bien que certains doutes demeurent quant à la définition de dommages matériels prévus à la police et à la nature du recours de l’APCHQ à l’encontre de Carrillo, la Cour confirme l’application de l’obligation de défendre prévue à la police. En effet, en cas de doute, la police doit être interprétée en faveur de l’assuré et en se fondant sur sa compréhension de celle-ci. Sécurité Assurance est donc condamnée à rembourser les frais de défense encourus par Carrillo.

Sécurité Assurance argumente également que les recours de Delev et de Carrillo découlent de concepts juridiques identiques et que la division de créances est donc interdite. Dans le cadre de son analyse et sur la base de l’article 538(1) du Code de procédure civile, la Cour confirme que Delev et Carrillo sont pleinement justifiés d’avoir réduit leurs demandes respectives à 15 000$ et d’avoir intenté deux recours distincts. En effet, bien qu’ils soient coassurés aux termes de la police d’assurance, la couverture s’applique de façon différente à leurs réclamations, la réclamation de Delev se fondant sur sa responsabilité contractuelle envers l’APCHQ alors que celle de Carrillo, sur sa responsabilité extracontractuelle. Finalement, la Cour rappelle que la solidarité ne se présume pas et qu’aucune disposition du Code civil du Québec ne créé de solidarité entre des coassurés en assurance de dommages.

7 Déc, 16

 

 

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