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CÔTÉ COUR

Secret professionnel – Dénonciation des circonstances entourant le sinistre – L’assuré ne peut opposer à ses assureurs le secret professionnel de ses avocats

Chubb Insurance Company of Canada c. Domtar inc., 2017 QCCA 1004

Chubb Insurance Company of Canada (« Chubb ») en appelle d’une décision de la Cour supérieure qui rejette sa demande de communication de documents échangés entre Domtar inc. (« Domtar ») et ses avocats dans le cadre d’un sinistre.

Les faits

Domtar poursuit son assureur, Chubb, pour qu’il lui rembourse les sommes qu’elle a dû payer dans le cadre d’un règlement hors cour. Ce règlement porte sur un litige opposant Domtar et un ex-actionnaire, Weston.

En 1998, Weston avait conclu avec Domtar une entente portant sur la vente d’une entreprise. Cette entente prévoyait le versement de pénalités en cas de prise de contrôle de Domtar par un tiers.

À la suite de la fusion de Domtar et de Weyerhaeuser, Weston entreprend un recours contre Domtar en alléguant la prise de contrôle de cette dernière et lui réclame la somme de 100M$ conformément à l’entente de 1998. Domtar règle le litige pour 50M$ en invitant d’ailleurs Chubb à y participer.

Suite au règlement, Domtar soumet une réclamation à son assureur en raison du sinistre. Chubb nie couverture ce qui mène au présent litige l’opposant à Domtar. Dans le cadre de ce litige, Domtar demande également le remboursement de ses frais de défense dans le cadre du règlement hors cour.

L’appel porte sur une décision de la Cour supérieure qui fait droit à l’objection de Domtar quant à la communication de tous les documents échangés entre Domtar et ses avocats dans le cadre de la fusion de Domtar et Weyerhaeuser et de la négociation du règlement subséquent avec Weston.

Analyse et décision de la Cour

Dans une décision concordante, mais partagée quant aux motifs, la Cour accueille l’appel et ordonne la communication des échanges entre Domtar et ses avocats dans le cadre de la fusion et du règlement. Le juge Schrager rédige les motifs pour la majorité. Il en vient tout d’abord à la conclusion que le juge de première instance a erré en concluant qu’il n’était pas possible de renoncer de façon tacite au secret professionnel.

À l’opposé de son collègue le juge Vézina, il conclut que l’échange de documents et d’informations entre Domtar et Weyerhaeuser ne constitue pas une renonciation au secret professionnel des avocats de Domtar liée à cette transaction. Il conclut également que l’art. 2471 C.c.Q., qui prévoit l’obligation pour l’assuré de dénoncer toutes les circonstances d’un sinistre, ne constitue pas, dans le cadre de la relation assureur-assuré, une renonciation au secret professionnel.

Néanmoins, le juge Schrager décide que Chubb a droit à la communication des documents puisqu’ils seront au cœur du litige. En effet, ce dernier portera notamment sur le caractère raisonnable du règlement hors cour, tant au niveau du risque que du montant en y incluant les honoraires extrajudiciaires. Tous les documents seront nécessaires pour que Chubb puisse évaluer la validité de la réclamation de Domtar.

Le risque que Domtar doive indemniser Weston étant apparu lors de la fusion, il est nécessaire pour l’assureur d’avoir accès aux opinions juridiques rédigées par les avocats de Domtar. Quant au caractère raisonnable du montant payé lors du règlement, le juge Schrager conclut que tous les documents, incluant les avis juridiques ayant mené Domtar à conclure que le montant est raisonnable, devront être communiqués. Finalement, puisqu’une partie de la réclamation porte sur les honoraires payés par Domtar, Chubb a droit d’avoir accès aux fruits de ce travail pour établir le bien-fondé du montant.

De son côté, le juge Vézina en serait arrivé aux mêmes conclusions, mais pour des motifs différents. Il conclut tout d’abord que le partage d’informations entre Domtar et Weyerhaeuser concernant un litige potentiel contre Weston constitue une renonciation au secret professionnel. De plus, il mentionne que l’art. 2471 C.c.Q. fait en sorte que l’assuré doit révéler toutes les circonstances de son erreur en incluant les communications avec son avocat.

Il est également à noter que Domtar ne pourra invoquer le privilège relatif au litige pour refuser de communiquer les documents découlant du règlement hors cour puisque le litige est terminé.

22 Nov, 17

 

 

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