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CÔTÉ COUR

AVC d’un chirurgien-dentiste modifiant son rythme de travail – Prestation d’assurance invalidité partielle – définition d’invalidité partielle

Cadotte c. Industrielle Alliance assurances et services financiers, [2016] QCCS 5603.

La Cour doit déterminer si le Docteur Louis Cadotte (« Dr Cadotte ») doit continuer à bénéficier de prestations d’assurance invalidité partielle de son assureur, Industrielle Alliance assurances et services financiers (l’« Industrielle ») et, pour ce faire, elle doit trancher la question de savoir si le Dr Cadotte est toujours frappé d’une l’invalidité partielle ou non.

 

Faits pertinents

Dr Cadotte est dentiste depuis 1989 et chirurgien-dentiste depuis 1998. En 2001, il ouvre sa clinique en orthodontie. Au fil des ans, sa clinique est en pleine croissance, il reçoit ses clients du lundi au jeudi. Quant aux vendredis, aux soirs de fin de semaine et certains jours de fin de semaine, il travaille dans ses dossiers, élabore des plans de traitement, rencontre d’autres chirurgiens-dentistes et prépare des boitiers qui seront collés sur les dents des patients. Dr Cadotte pratique également divers sports et activités.

Or, le 26 décembre 2008, Dr Cadotte est victime d’un AVC du sylvien droit entrainant des séquelles neurologiques. Il souffre alors d’une paralysie de la main gauche et faciale, il éprouve de la difficulté à marcher et est dépressif.

Conséquemment, il tente de minimiser les dommages sur sa clinique en demandant un soutien de ses confrères afin d’assurer le suivi de ses patients. Dr Cadotte est absent de la clinique plusieurs mois et effectue un retour progressif au travail à raison d’une demi-journée par semaine à compter de juin 2009.

Peu à peu, ses séquelles s’atténuent. Néanmoins, il n’est pas apte à reprendre les mêmes tâches qu’avant son accident, car celles-ci lui demandent une grande concentration, de la rapidité, de la précision et de la dextérité, aptitudes ayant grandement diminué depuis son accident. Dr Cadotte doit donc déléguer des tâches et réduire son temps de travail.

En vertu du contrat d’assurance collective qu’il détient auprès de l’Industrielle, Dr Cadotte bénéficie de prestations d’assurance invalidité totale jusqu’en juin 2009, puis de prestations d’assurance invalidité partielle jusqu’au 31 mars 2012. En effet, l’Industrielle prétend que le versement de prestations doit cesser, car Dr Cadotte ne répond plus aux conditions d’invalidité du contrat d’assurance.

Analyse et décision de la Cour

Avant de se prononcer sur le sens à donner à l’invalidité, la Cour rappelle que le fardeau de la preuve appartient à l’Industrielle, car il s’agit de démontrer que le droit aux prestations est éteint, et ce, conformément à l’article 2803 du Code civil du Québec.

L’Industrielle prétend que Dr Cadotte n’est plus invalide, car il est de retour 4 jours par semaine à la clinique, soit comme avant l’accident, et qu’il a retrouvé de la force et de la dextérité tel que l’ergothérapeute le souligne le 14 mars 2012.

À la lueur de la preuve, notamment de l’évaluation neuropsychologique de Mme Turgeon en date du 12 avril 2012 concluant que Dr Cadotte a un déficit attentionnel et une perte de dextérité fine, ainsi que du rapport du Dr Guité, neurologue, du 29 juin 2012 confirmant le caractère permanent de ces déficits, la Cour estime que la décision de l’Industrielle est erronée, car elle ne peut fonder celle-ci uniquement sur le nombre d’heures de présence à la clinique sans tenir compte des rapports émis.

En effet, il s’agit de déterminer si un assuré est en mesure d’accomplir les mêmes tâches qu’avant son accident. Or, la Cour est d’avis que la preuve est à l’effet que le Dr Cadotte n’est plus apte à travailler autant, ni à poser les mêmes gestes considérant sa diminution de dextérité. Il a dû déléguer des tâches, il doit conserver son personnel malgré la réduction de sa clientèle et il subit une perte de revenu net. Dr Cadotte répond donc à la définition d’invalidité partielle.

La Cour retient également que l’Industrielle a ignoré son fardeau de preuve puisqu’elle a demandé à Dr Cadotte d’apporter la preuve de son invalidité alors qu’il appartenait à l’assureur de le faire. D’ailleurs, les rapports susvisés ont été ignorés par l’Industrielle, et ce, sans faire une demande de contre-expertise.

Considérant que Dr Cadotte n’est plus apte à réaliser les mêmes tâches et vu son état de fatigabilité, la Cour reconnait que sa situation entre dans la définition d’invalidité partielle au sens du contrat d’assurance.

Par ailleurs, Dr Cadotte réclame une somme de 75 000 $ à titre de dommages pour abus de procédure. Or, la Cour ne dénote pas d’abus de la part de l’Industrielle et rejette donc cette réclamation. La Cour qualifie néanmoins son attitude comme non soucieuse du détail auquel l’assuré est en droit de s’attendre.

Enfin, Dr Cadotte demande l’anonymat en vertu de l’article 12 du Code de procédure civile, et ce, afin de lui éviter une perte de clientèle. La Cour estime que cette demande n’a pas lieu d’être accordée, car le recours est public depuis le début des procédures. De plus, la Cour ne veut pas créer un précédent pour chaque cas où un assureur refuserait d’indemniser un assuré suite à l’examen d’une condition personnelle.

En conséquence, la Cour accueille la demande de Dr Cadotte quant à son droit de bénéficier de prestations d’assurance invalidité partielle, mais rejette ses autres demandes.

14 Fév, 17

 

 

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