menu

CÔTÉ COUR

Un Syndic à la faillite réclame une indemnité d’assurance de plus de 700’000$! – Assurance-vie – Faillite – Changement de bénéficiaires – Prescription – Délai raisonnable – Un changement dans la désignation des bénéficiaires est-il nul dans le cas d’une faillite?

Syndic de Baker, 2018 QCCS 5493.

Le présent litige concerne une demande du Syndic à la faillite de Monsieur Baker (ci-après : « le Syndic ») afin de faire déclarer nul un changement de bénéficiaire d’une police d’assurance-vie effectué par Monsieur Michael Theodore Baker (ci-après : « le failli » ou « M. Baker »).

Les faits

Raymond Chabot Inc. est le Syndic à la faillite de M. Baker depuis le 17 novembre 2005. En février 2007, le failli demande à la compagnie d’assurance L’Empire Compagnie d’assurance-vie (ci-après « compagnie d’assurance») de substituer son épouse comme bénéficiaire désignée d’une police d’assurance-vie. Ce changement est confirmé par la compagnie d’assurance en novembre 2007. Cette police d’assurance sur les vies de Mme Montes et M. Bellefeuille prévoyait un capital de 300’000$ ainsi que le remboursement des primes payables au décès du dernier des assurés. M. Bellefeuille décède en février 2000 tandis que Madame Montes décède en juin 2016.

Le Syndic ne prend connaissance du changement de bénéficiaire qu’en 2013. Il informe alors la compagnie d’assurance que ce changement lui est inopposable et demande au tribunal de déclarer que le changement de bénéficiaire effectué par le failli en 2007 est nul de nullité absolue et que le Syndic est bénéficiaire du produit de la police d’assurance.

L’épouse de M. Baker soutient que cette demande du Syndic est prescrite et qu’elle n’a pas été déposée dans un délai raisonnable.

Le tribunal doit donc déterminer si le failli pouvait, alors qu’il n’a pas été libéré de sa faillite, substituer son épouse à sa place à titre de bénéficiaire d’une police d’assurance-vie, si la demande du Syndic est prescrite et si celle-ci a été déposée dans un délai raisonnable.

Analyse et décision de la Cour

Le tribunal retient que dès la mise en faillite, le failli ne peut plus céder ou aliéner ses biens. Ces pouvoirs passent entre les mains du Syndic. De plus, l’article 2.1 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité prévoit que la modification dans la désignation du bénéficiaire d’une police d’assurance est réputée être une disposition de biens. Le failli ne peut poser des actes qui diminuent son patrimoine. Les actes faits en diminution du patrimoine du failli seraient donc nuls de nullité absolue. En agissant de la sorte, le failli a contrevenu à l’article 71 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

Le tribunal ne retient pas l’argument selon lequel le recours du Syndic serait prescrit. En effet, le départ du calcul du délai de prescription ne débute pas lors de la connaissance du changement de bénéficiaires à la police d’assurance, mais plutôt au moment où le droit d’action du Syndic prend naissance, soit en juin 2016 lors du décès du dernier assuré. En matière d’assurance-vie, le risque couvert est le décès de l’assuré. Il est donc logique de considérer que le droit d’action débute au décès de l’assuré puisque c’est à partir de ce moment que l’assureur doit exécuter son obligation. Avant le décès de l’assuré, aucun montant ne peut être exigé de l’assureur. Le tribunal a donc conclu que la demande avait été déposée à l’intérieur du délai de prescription.

L’honorable juge Baudouin tranche ensuite la question du dépôt du recours par le Syndic dans un délai raisonnable. L’épouse du failli prétendait que la demande du Syndic n’avait pas été déposée dans un délai raisonnable. En se fondant sur la grande discrétion dont il dispose pour apprécier le caractère raisonnable du délai de présentation d’une demande, le tribunal réfute cet argument.

En conclusion, le tribunal déclare que le changement de bénéficiaire est une disposition de biens qui est nulle de nullité absolue et déclare le Syndic bénéficiaire de la police d’assurance-vie à la hauteur de 762’628,33$.

19 Fév, 19

 

 

Articles reliés