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CÔTÉ COUR

Poursuite en diffamation contre Google – demande de confidentialité du dossier

A.B. c. Google inc., [2016] QCCS 4913.

La Cour est appelée à trancher la demande du demandeur à l’effet que le dossier demeure confidentiel par sa mise sous scellés afin que le public ne puisse le consulter et par la non-publication et non-diffusion des débats.

 

A.B. (le « demandeur ») est un homme d’affaires dans les domaines politiques et économiques, évoluant à Montréal et New-York.

En 2007, le demandeur découvre que les internautes faisant une recherche relativement à son nom sur Google sont dirigés vers un site où il est fait mention que le demandeur a été jugé coupable de pédophilie. Or, non seulement il n’a jamais été déclaré coupable, mais en plus il n’a jamais été accusé.

Depuis, l’avocat du demandeur a mis en demeure Google à plusieurs reprises. Néanmoins, il s’avère que l’information peut disparaitre durant une période pour réapparaitre.

En conséquence, le demandeur soutient que Google est responsable des dommages liés à l’atteinte à sa réputation et réclame que l’intégralité du dossier soit mis sous scellés, ainsi qu’une ordonnance de non-publication de tout contenu diffamatoire permettant de l’identifier.

Le demandeur a déjà obtenu une ordonnance de sauvegarde à cet effet le 18 mars 2016 qui a été reconduite à deux reprises.

La demande n’est pas contestée par Google. La Cour doit toutefois exercer son pouvoir discrétionnaire pour prononcer une ordonnance de confidentialité.

En effet, le principe du caractère public des débats est enchâssé dans la Charte québécoise ainsi que dans le Code de procédure civile. La confidentialité est donc une exception et la Cour doit l’exercer uniquement si les faits respectent les conditions énoncées par la jurisprudence.

Ce test comporte deux parties.

La première partie comporte trois composantes :

  • Le risque en cause doit être réel et important, c’est-à-dire qu’il menace gravement l’intérêt commercial;
  • Les tribunaux doivent déterminer avec prudence ce qui constitue un intérêt commercial important;
  • Le juge doit vérifier s’il existe d’autres solutions raisonnables.

La seconde partie est l’étude de la proportionnalité, soit l’analyse du droit à un procès équitable et la protection des droits et libertés fondamentaux vis-à-vis les effets préjudiciables d’une ordonnance de confidentialité.

En l’espèce, la Cour est d’avis que les droits fondamentaux du demandeur, tels que l’honneur, la dignité et la réputation, seraient davantage protégés par la diffusion d’une décision favorable, considérant que l’atteinte existe déjà et qu’il ne s’agit non pas de l’empêcher, mais d’éviter son aggravation. En conséquence, la Cour ne peut conclure à l’existence d’un risque sérieux d’atteinte des droits du demandeur par la publicisation. Néanmoins, la Cour estime qu’à l’égard du droit à la vie privée et à la protection de l’intégrité psychologique, le demandeur rencontre les critères de risque réel et important, car il devra revivre certains épisodes douloureux pour faire sa preuve.

Quant aux autres alternatives, le juge rappelle que le huis clos et la mise sous scellés visent la transparence du processus judiciaire alors que la non-diffusion vise à en interdire la publicité. À cet égard, il estime que la mise sous scellés n’est pas un remède approprié considérant que le huis clos n’est pas demandé et qu’en l’occurrence toute personne peut assister à l’audience. De plus, il juge que la non-diffusion est adaptée aux circonstances.

Enfin, quant à la seconde partie du test, la Cour doit étudier la proportionnalité  à la lueur de trois facteurs établis en jurisprudence, soit la recherche de la vérité et du bien commun, l’épanouissement personnel par le libre développement des pensées et des idées et la participation de tous au processus politique.

Ce dernier estime qu’une ordonnance de non-publication et de non-diffusion permettrait au demandeur de retrouver la protection de sa vie privée et de son intégrité ainsi que de pouvoir administrer sa preuve de façon plus sereine permettant ainsi une meilleure recherche de la vérité. Quant au deuxième facteur de ce test, soit le processus de développement des idées, le juge mentionne que celui-ci milite contre l’émission d’une ordonnance de confidentialité, car la publicisation des débats participe au développement de la pensée. Enfin, le troisième facteur n’est pas applicable dans le contexte de cette affaire.

Considérant l’ensemble de ces éléments et estimant que les effets bénéfiques dépassent les effets préjudiciables, la Cour accorde une nouvelle ordonnance de non-diffusion et de non-publication et ce, pour une durée limitée, jusqu’à ce que l’affaire soit entendue sur le fond, constituant ainsi une atteinte raisonnable au principe de publicité des débats judiciaires.

17 Jan, 17

 

 

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